LE CORPS CANADIEN DES COMMISSIONNAIRES : UNE FIÈRE INSTITUTION CANADIENNE À CARACTÈRE UNIQUE (PARTIE 2)

100.jpeg

By Commodore (ret) Mark Watson

Le mois dernier, nous sommes revenus sur la création, en 1925, du Corps canadien des Commissionnaires, qui avait pour but d’offrir des emplois valorisants à d’anciens militaires et membres de la Gendarmerie royale du Canada (GRC).

En 1947, le lieutenant-colonel (Lcol) Edmund Walter – un descendant de Sir Edward – alors commandant du Corps britannique, accorde au Corps canadien la permission d’adopter la Médaille de service des Commissionnaires. Avec l’autorisation de Rideau Hall, qui reconnait l’importance que revêtent les médailles dans les traditions militaires, le Secrétariat d’État approuve, en 1948, la Médaille de long service des Commissionnaires (MLSC), qui est décernée aux employés possédant douze années de service au sein du Corps. Elle est officiellement intégrée au Régime canadien de distinctions honorifiques en 1998.

Les traditions militaires demeuraient importantes aux yeux des Commissionnaires. Les contingents du Corps étaient invités à participer à des défilés lors de l’Exposition nationale canadienne et aux cérémonies du jour du Souvenir; cette tradition se poursuit encore de nos jours. À Halifax, les Commissionnaires ont été les premiers reconstituteurs historiques; portant l’uniforme victorien, ils ont assumé la responsabilité de tirer le coup de canon de midi à la Citadelle. Des officiers militaires supérieurs prenaient part aux cérémonies de remise des diplômes, et un défilé a été organisé. Le Corps était un élément indispensable de la vie pour bien des vétérans en procurant à ces frères d’armes un lieu de rencontre et un réseau d’anciens militaires. Pour bon nombre d’eux, faire partie des Commissionnaires constituait un honneur tel qu’ils désiraient, à leur décès, être inhumés dans leur uniforme des Commissionnaires et faire graver l’insigne du Corps sur leur pierre tombale.

En 1950, le Corps comptait près de 5000 membres, éclipsant son cousin britannique avec pratiquement le double du nombre des membres. En Australie, un corps des commissionnaires fondé dans années 1930 avec un objectif semblable a fini par changer de cap, passant de l’emploi des vétérans à un rôle d’organisme exclusivement philanthropique visant à aider la cause des vétérans.

Le Corps a poursuivi son évolution; l’une de ses principales transformations a commencé en 1952 lorsque le Lcol Mary Dover a été élue au Conseil des gouverneurs de la division du sud de l’Alberta, devenant ainsi la première femme à siéger à un conseil au Canada. Dover avait fait partie du Service féminin de l’Armée canadienne (CWAC) durant la Seconde Guerre mondiale. Elle était la fille de M. A.E. Cross, l’un des pères du Stempede de Calgary, et la petite-fille du Colonel (Col) MacLeod, fondateur de Calgary qui a donné son nom à la ville de Fort MacLeod. Il faudra pourtant attendre encore 20 ans, soit jusqu’en 1972, avant que Mme Audrey Morton devienne la première femme commissionnaire à occuper un poste d’agent de sécurité au Musée du Nouveau-Brunswick de Saint‑Jean. Antérieurement, elle avait servi pendant 17 ans dans la milice et quatre ans au CWAC durant la Seconde Guerre mondiale, en Angleterre et au Canada. Elle a de plus contribué à la conception de l’uniforme. Le command de corps de la Seconde Guerre mondiale Guy Simonds, les amiraux de la Marine Hennessy et Yanow, le commandant de l’Armée de terre Mike Jefferey, la première femme à commander un établissement de la Marine royale canadienne (MRC), le lieutenant-commandant Isabelle MacNeil, et la première femme à obtenir un grade de général, le brigadier-général Sheila Hellstrom, entre autres, ont siégé à différents conseils.

102.jpeg

Les liens avec la Couronne avaient en outre une grande importance.  On décernait aux gouverneurs généraux une médaille d’ancienneté en argent en reconnaissance de leur lien avec les Commissionnaires; le premier récipiendaire sera Ed Schreyer. Au fils des ans, plusieurs représentants de la Reine, au niveau national tant que provincial, ont effectué la revue de la Garde d’honneur des Commissionnaires.

En 1982, l’effectif du Corps se chiffrait à 10 000 personnes, tous des vétérans, soit le triple du Corps britannique. Aux quatre coins du Canada, les 18 divisions autonomes, fortes d’une longue expérience des services de sécurité auprès d’institutions fédérales, ont commencé à obtenir une vaste gamme d’autres contrats dans le domaine de la sécurité. Il s’agissait notamment de services de soutien aux activités policières (parfois appelés modes de prestation de services diversifiés), tels que l’application des règles régissant le stationnement et la surveillance de centres de détention pour la GRC. L’évolution des Commissionnaires avait fait d’eux un excellent fournisseur de services de sécurité. Pourtant, le plus grand changement du Corps était encore à venir et n’allait pas tarder.

Les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis ont entraîné une poussée immédiate et exponentielle des besoins en matière de sécurité au Canada, au niveau fédéral comme dans le secteur privé. Dans le but de répondre à la demande croissante de travail, les Commissionnaires ont pour la première fois commencé à intégrer du personnel non militaire dans leurs rangs. Pour mieux s’ancrer dans la modernité, les Commissionnaires ont adopté un nouveau logo et ont modifié leur uniforme. Partout au Canada, ils ont troqué l’uniforme paramilitaire pour le veston et la chemise bleue et la chemise blanche pour les superviseurs.  

Parallèlement, les Commissionnaires ont convenu d’un mandat social officiel pour le Corps, consistant à « procurer de l’emploi valorisant aux anciens membres des Forces armées canadiennes (FAC), de la GRC et à tous les autres qui souhaitent contribuer à la sécurité et au bien‑être des Canadiens ». Ce mandat est devenu le cœur et le fondement qui guident tout ce que les Commissionnaires faisaient et continuent de faire, en plus de permettre au Corps de tendre la main à d’autres Canadiens, souvent nouvellement arrivés, tout en demeurant fidèle à son mandat fondamental.

En 2014, une évaluation du droit de première option (DPO) par le Conseil du Trésor a débouché sur le rapport Goss-Gilroy, qui soulignait que le Corps représente un bon investissement pour le gouvernement fédéral et le Canada. Le rapport indiquait également que le concept de DPO constitue un mécanisme des plus pertinents à l’appui de l’emploi direct et des besoins autres que financiers des vétérans, ce qui conférait un caractère officiel à la valeur du Corps. À peu près au même moment, un protocole d’entente était signé avec les FAC. En vertu de ce document, les FAC et les Commissionnaires travaillent de concert, dans la mesure du possible, aux niveaux local et régional, dans le but d’offrir de l’emploi à quiconque est libéré honorablement des FAC. Les Commissionnaires ont également convenu d’embaucher certains membres des FAC blessés ou malades qui participent au programme de retour à l’unité, de même que des membres des FAC qui passent à la vie civile et désirent obtenir de l’aide dans leur recherche de possibilités d’emploi.

Conscients que les besoins des vétérans ne sont plus les mêmes et compte tenu du fait que l’amélioration des services aux vétérans passe nécessairement par la prise en considération de leurs familles, les Commissionnaires ont modifié leur mandat social en 2020 afin d’y inclure l’emploi des familles des militaires et des vétérans. Les membres des familles sont donc considérés pour l’embauche préférentielle au sein du Corps. Parallèlement, le DPO a été prolongé pour une période de trois ans la même année, alors que le gouvernement fédéral prenait conscience que les Commissionnaires offrent des avantages inégalés. Le Corps est reconnu non seulement pour le calibre de son travail, mais aussi pour sa capacité à titre de plus important employeur de vétérans au sein du secteur privé au Canada.

104.jpeg

Le Corps canadien des commissionnaires a joué un rôle capital dans l’essor de notre pays. Sa réussite est souvent attribuable à la solidité de sa gouvernance. Parmi les bénévoles qui siègent à ses différents conseils se trouve le gratin des FAC. Les innombrables membres retraités de la GRC et des FAC connaissent l’importance du Corps pour les vétérans. Il s’agit d’un véhicule d’emploi de premier plan, mais aussi d’un lieu de rencontre pour les vétérans. Pour bon nombre d’entre eux, les Commissionnaires donnent le sentiment d’avoir un but bien précis.

Au fil des ans, les possibilités offertes aux vétérans se sont élargies, mais les Commissionnaires sont toujours présents pour apporter leur aide. De nombreux vétérans occupent des postes d’officiers supérieurs au sein du Corps; par conséquent, la direction comprend comment venir en aide aux militaires et aux membres de la GRC qui partent à la retraite et qui se dirigent vers une nouvelle carrière et, éventuellement, vers la retraite complète. Les Commissionnaires procurent des emplois là où d’autres organismes pourraient se montrer réticents, notamment à ceux qui vivent avec un syndrome de stress post-traumatique (SSPT) ou d’autres défis post-service. Le Corps a aussi prêté main-forte à de nouveaux immigrants, comme Gurbachan Singh Bedi, un vétéran de la Seconde Guerre mondiale originaire de l’Inde, qui a accédé à la demande de sa fille d’émigrer au Canada en 1985 à la seule condition qu’il puisse trouver un emploi valorisant au Canada. C’est le Corps qui lui a fourni cette possibilité; il y a travaillé pendant 20 ans de plus, soit jusqu’à l’âge de 90 ans. La vétérane canadienne de la guerre d’Afghanistan Helen Goldie a de son côté trouvé une nouvelle carrière au Corps pendant qu’elle poursuivait son service dans la Réserve.

105.jpeg

Les possibilités d’emploi auprès des Commissionnaires ont bien augmenté depuis leurs humbles débuts. Le Corps offre maintenant des services-conseils en sécurité, en cybersécurité, des services d’enquêtes et de la formation. La philanthropie est une importante partie de l’engagement du Corps à l’appui de la cause des vétérans, ce qui comprend le programme Sans limite et le projet de Maison des vétérans de l’Initiative multiconfessionnelle sur l’habitation d’Ottawa, qui fournira des logements, de l’orientation et d’autres services de soutien aux vétérans sans abri. L’éthos militaire du Corps garantit un soutien sans égal à ses employés, aux vétérans et aux civils et assure un esprit de corps et une volonté d’aider qui se compare davantage au contexte d’une famille régimentaire qu’à celui d’une entreprise privée.

De nos jours, les Commissionnaires comptent 22 000 employés dans 1200 collectivités d’un océan à l’autre. La Fédération englobe 15 divisions qui s’acquittent de contrats conclus avec le secteur privé et avec tous les niveaux de gouvernement. Cette institution canadienne unique a su évoluer avec les besoins des vétérans et ceux du Canada. À l’approche de son centième anniversaire, qui sera célébré en 2025, le Corps canadien des commissionnaires entend bien continuer de soutenir tous les vétérans, leurs familles et tous ses employés durant le prochain siècle.